La Règle Bitcoin

25 février 2022

Une traduction de l'article original en anglais de Tomer Strolight

parchemin
La règle Bitcoin
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Tout un code moral dans une seule phrase : la règle d'or

Il est prodigieux que quelque chose d'aussi compliqué qu'un code moral puisse être résumé dans une seule phrase. Un code moral est, après tout, un ensemble de principes qui sont sensés gouverner toutes vos actions. Cela inclut des actions que vous entreprenez envers vous-même et envers les autres.

La plupart des gens ne réalisent même pas que l'on a besoin d'un code moral quand on agit seul. Mais on en a besoin. En effet, on se doit d'agir selon des principes afin de ne pas nuire à sa propre vie, voire d'y mettre fin. Vous ne devriez pas manger de la malbouffe, par exemple, non pas à cause de l'effet qu'elle a sur les autres (car elle n'en a pas), mais à cause de l'effet qu'elle a sur vous !

Cependant, c'est sur notre relation avec les autres que se concentre cette pièce. Et il est remarquable qu'une seule phrase, connue sous le nom de règle d'or, ait servi de résumé raisonnable d'un code moral décent pendant très longtemps — tout comme l'or a servi de monnaie raisonnable pendant très longtemps.

La règle d'or, comme presque tout le monde le sait, stipule :

Faites aux autres ce que vous voudriez qu'ils fassent pour vous.

C'est sa forme positive.

Elle existe également sous sa forme négative, tout aussi utile :

Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fassent.

C'est une règle très sage. Dans de nombreuses situations, c'est une règle raisonnable à suivre. Cependant, elle a un défaut. Ce défaut, c'est que vous êtes unique, et que tout le monde l'est aussi. Ce que vous voulez qu'on vous fasse n'est peut-être pas ce que quelqu'un d'autre veut qu'on lui fasse. Ou, pour votre propre bien, il se peut que ce que quelqu'un d'autre veut qu'on lui fasse soit quelque chose que vous ne voulez absolument pas qu'on vous fasse.

Remarquez comment la règle d'or nous fait défaut aujourd'hui. Le meilleur exemple est celui-ci : ceux qui veulent le vaccin contre le covid — c'est-à-dire ceux qui veulent qu'on leur fasse l'injection du vaccin — suivent parfaitement la règle d'or lorsqu'ils insistent pour que les autres se fassent aussi vacciner. Ils essaient de faire aux autres ce qu'ils se sont fait faire à eux-mêmes. Il n'y a pas de violation de ce code moral en insistant pour que quelqu'un d'autre soit vacciné si vous voulez être vacciné. Il en va de même pour les impôts, l'enseignement public, les soins de santé publics et tout ce que les gens insistent pour que l'on fasse aux autres ce qu'ils veulent que l'on fasse à eux-mêmes.

La règle de platine

Ce défaut de la règle d'or n'est pas une découverte récente. Il en existe une reformulation depuis de nombreuses années, appelée la règle de platine. Elle stipule :

Faites aux autres ce qu'ils voudraient qu'on leur fasse.

Il s'agit d'une formulation plus réfléchie de la règle d'or. Elle exige de ses adeptes qu'ils essaient de comprendre les désirs de l'autre personne, puis qu'ils cherchent à les satisfaire au lieu de simplement projeter leurs propres désirs sur les autres.

Pour ne citer qu'un exemple, je veux que quelqu'un me prépare un délicieux festin de mon plat préféré, mais cette nourriture particulière pourrait en fait, en raison d'une allergie, être mortellement dangereuse pour la personne à qui je voudrais préparer un délicieux repas. Je ne peux pas lui servir le repas que je veux qu'on me serve. C'est un exemple de sa supériorité par rapport à la règle d'or.

Ces codes moraux en une phrase sont si simples à énoncer et à analyser qu'ils ne nécessitent pas une grande analyse philosophique pour les juger. Mais ils en demandent un peu.

Pourquoi le code de platine n'est-il pas un substitut parfait du code d'or ?

Eh bien, il a lui aussi une faiblesse. Il ne répond pas à la question de savoir pourquoi, quand ou dans quelles circonstances il faut faire aux autres ce qu'ils veulent qu'on leur fasse. Si vous suivez cette règle sans broncher, vous serez épuisé, affamé, fatigué et exploité par d'autres qui, eux, ne suivent pas la règle ! Cette règle accorde des avantages asymétriques en faveur de ceux qui ne la suivent pas, au détriment de ceux qui la suivent.

Par exemple, si je respecte cette règle en faisant à une autre personne tout ce qu'elle me dit vouloir qu'on lui fasse, mais qu'elle ne la respecte pas elle-même - une personne qui ne fait rien pour moi en retour - je suis son esclave !

La règle sans nom

Il existe également une reformulation ouvertement maléfique de ces règles. Elle n'a pas de nom car les méchants aiment rarement s'identifier ouvertement au mal. Mais cette règle existe bel et bien et elle est énoncée de manière malveillante comme la perversion qu'elle est des codes moraux visant à faire le bien :

Faites aux autres avant qu'ils ne vous fassent.

La première fois que j'ai entendu quelqu'un affirmer cela, j'ai été complètement choqué. C'était en première année d'école de commerce et un jeune étudiant s'est tourné vers moi et a dit quelque chose comme "Je sais ce qu'est le commerce - baiser l'autre avant qu'il ne vous baise." (Soit dit en passant, ce n'est pas du tout ce qu'est le commerce, mais le fait qu'il y ait des gens qui le croient, dans le commerce, en politique et dans d'autres disciplines, ne peut tout simplement pas être nié).

Cette règle sans nom est le code moral des escrocs, des fraudeurs, des voleurs, des agresseurs et des tueurs. Les personnes qui vivent selon cette règle considèrent les autres comme des menaces et des victimes. Ils considèrent les relations entre les gens comme remplies de méfiance.

Le pire, c'est que plus il y a de gens qui pratiquent ce code moral, plus il semble logique de le pratiquer. Par exemple, si vous êtes entouré de personnes qui veulent vous baiser, il se peut que vous ne voyez pas d'autre solution que de les baiser.

L'ingrédient moral manquant - la réciprocité

Tous ces codes moraux ont un ingrédient manquant. Cet ingrédient, en un mot, est la réciprocité. La réciprocité est définie comme suit :

La pratique de l'échange de choses avec d'autres pour un bénéfice mutuel.

Ce n'est peut-être pas une coïncidence si ni la règle d'or ni la règle de platine ne mentionnent la réciprocité. Cela peut s'expliquer par le fait que l'or et le platine peuvent être saisis auprès d'un praticien de ces règles par un praticien de la règle sans nom. Si vous êtes en possession d'or ou de platine, un adepte de la règle sans nom peut vous les prendre par la force, même s'il doit d'abord vous tuer. Ces deux règles reconnaissent implicitement qu'il existe un désir d'être bien traité par les autres. Mais elles n'ordonnent qu'à celui qui les pratique de bien traiter les autres. Et les deux sont silencieuses sur le fait qu'il est possible pour les autres d'ignorer ces règles.

Entre la règle Bitcoin

Formulée dans cette tradition de "faites aux autres", la règle Bitcoin stipule :

Faites aux autres et que les autres vous fassent, uniquement ce qui a été décidé par accord mutuel.

La règle Bitcoin ne laisse aucune place à la force, à la fraude ou à des attentes non formulées de réciprocité où l'on espère qu'une autre personne rendra sa gentillesse par une autre gentillesse plutôt que par la cruauté.

Pourquoi appeler cela la règle Bitcoin ?

Parce que Bitcoin est le seul instrument qui rend un tel code moral applicable. Les bitcoiners qui liront ceci sauront que quelqu'un qui veut leur faire du mal pour essayer d'obtenir leur bitcoin perd largement son temps. Tuer un bitcoiner ne libérera pas ses bitcoins pour le meurtrier. Pas plus que le fait de lui ordonner d'abandonner ses bitcoins - il est auto-souverain. Seul un accord avec un bitcoiner pour un échange que les deux parties trouvent acceptable fera l'affaire.

Avant l'invention de Bitcoin, et avant que le capitalisme ne soit si corrompu dans la pratique, cette règle aurait pu être appelée la règle capitaliste. Mais nous sommes allés trop loin pour cela maintenant. Le sens du Capitalisme est tellement obscurci et déformé que le mot est perdu pour nous. De plus, face à l'existence de Bitcoin, qui défend sans faille la possibilité de pratiquer cette règle, il est maintenant plus approprié d'appeler cette règle la règle Bitcoin même si nous avions un capitalisme pur et volontaire.

Cette règle est une règle parfaitement saine et stable pour vivre. Vivre selon cette règle ne vous expose pas à être exploité par ceux qui vivent selon la règle sans nom. Vous devez bien sûr être prudent, car il existe de nombreuses personnes qui pratiquent cette règle dans un certain aspect de leur vie - et elles en ont après vos bitcoins - mais elles ne peuvent prendre vos bitcoins qu'en faisant quelque chose qui vous amène à leur céder volontairement vos bitcoins.

Si je devais m'étendre davantage sur la règle Bitcoin, je ne parviendrais pas à en faire un code moral utile en une phrase. Je vous laisse donc avec elle une dernière fois. N'hésitez pas à l'affiner comme bon vous semble. Je vous verrai dans le monde réel, où nous interagirons selon cette règle, avec amour et gentillesse les uns envers les autres, ou pas du tout :

Faites aux autres et que les autres vous fassent, uniquement ce qui a été décidé par accord mutuel.

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